mardi 19 juillet 2022

Et le temps qui court


J'attends juste à l'entrée de la scène pendant que passe la minute du clip à l'écran. Mon téléphone est dans la poche intérieure de ma veste, avec toute la chronologie des prochaines trente minutes. Mon cœur bat comme il n'a jamais battu. Je ne sais pas si je pourrais être plus stressé qu'à cet instant. Alexandra est la première sur le plateau et commence à chanter. Laetitia et Caroline entrent en scène par un côté, puis moi de l'autre, pour démarrer la première coiffure de mon premier show. 
 
Je me souviens avoir passé le concours Emergent Talent du magazine Estetica sans savoir quel en était le premier prix. Ç'avait déjà été une longue préparation en amont, avec beaucoup d'extensions à colorer et à coudre. Pour le show, je les ai teintes dans des nuances de bleus, en naviguant sur une palette de Manic-Panic qui va du mauve au turquoise, en passant par le bleu nuit, bleu ciel,... 
 
À la fin de ma seconde coiffure, je réalise, comme un flash, que la moitié de mon show vient de passer. Je n'ai qu'un seul essai, une seule chance d'épater la galerie sur scène! La pression monte d'un cran et je me concentre plus que jamais sur mes deux coiffures suivantes. Alexandra continue de chanter. Plus ou moins. Elle commence à bouder parce que je ne m'occupe pas de ses cheveux mais que des mannequins. Entre deux coiffures, je m'approche d'elle et l'oblige à enchaîner les chansons. 
 


 
Dans l'oreillette, j'entends ma voix qui me guide sur le temps imparti pour réaliser ma coiffure. Je m'auto-encourage à faire un travail soigner, à sourire au public et à créer ces superbes volumes légers et ondulés aux reflets bleus et violets. J'entends le décompte du temps dédié à ce chignon, puis le signal de placer le bijou sur la chevelure. "5, 4, 3, 2, 1, lève la fille et souris". Elle défile et va présenter la coiffure au public. Mille choses s'entrechoquent dans la tête. La fierté du travail réalisé, le plaisir d'être sur cette scène, le stress de cette journée de folie, l'appréhension du regard des spectateurs. 

Les aléas de l'évènementiel (pour ne pas parler de l'incompétence organisationnelle) nous ont fait perdre un temps précieux dès le matin. La pression qui avait démarré crescendo, deux mois plus tôt, monte d'un de deux crans! Avec ce retard à notre arrivée, je ne prends pas le temps d'installer ma cabine et cours directement pour la répétition avec mes quatre mannequins, ma sœur qui m'assistera sur scène et Alexandra qui chantera en direct.

Quelle excitation lorsque j'ai enfin/déjà terminé les quatre coiffures. Mais les choses ne s'arrêtent pas là. Après un salut, mes belles sirènes repartent en coulisses alors que je reste sur la scène avec Alex qui affiche enfin un sourire éclatant lorsque j'utilise la plaque lissante sur ses cheveux. Au passage de la chaleur, ses cheveux changent, en partie, du vert au jaune et du violet au rose. C'est spectaculaire!

Lorsque chacune sait ce qu'elle aura à faire, nous retournons en coulisses. Laetitia, Valérie et moi collons des extensions et bouclons les chevelures. Jil sublime nos mannequins avec son airbrush. Le temps nous manque. Il y a tant de choses à préparer! Nous zappons le déjeuner et restons concentrés. Puis le show précédent touche à sa fin. Quelques minutes pour peaufiner ce qui doit l'être et nous tenir prêts, derrière le rideau. Le présentateur dit enfin mon nom et le clip concocté par Florian démarre...